La crise de la presse libanaise ne peut plus être étouffée, elle atteint aujourd’hui tous les journaux et toutes les revues, indépendamment des orientations politiques des uns et des autres. Aucune plume n’est épargnée. La tristesse envahit ces journalistes qui se sont mis au service du peuple, et elle gagne leurs lecteurs lorsqu’ils comprennent que le silence remplacera progressivement les esprits lumineux. Bientôt la tristesse sera collective, les Arabes du Machrek et du Maghreb ayant déjà commencé à exprimer haut et fort leur indignation face au sort funeste qui frappe la presse libanaise. C’est bel et bien un tremblement de terre, ébranlant ce que le régime libanais avait de meilleur : la liberté d’expression.
Oui, ces mêmes Arabes reconnaissent que la situation dégradante de la presse est une nouvelle catastrophe ; elle s’ajoute aux désastres dont ils souffrent dans chacun de leurs pays, au milieu des drames ensanglantés de leurs guerres fraternelles. C’est que la presse libanaise a contribué à l’éveil des populations, dans les pays du Levant comme dans ceux du Maghreb, elle a accompagné leurs guerres de libération contre l’occupant étranger, et a joué un rôle de premier plan pour rassembler les Arabes, en demeurant jusqu’à ce jour au service de la cause palestinienne.
La presse libanaise a également le droit d’affirmer qu’elle a constitué, pour les lecteurs libanais et arabes, une source clé d’information et de connaissance sur leurs propres pays. En outre, elle a assuré la couverture médiatique des auteurs et des romanciers arabes, restant toujours une tribune pour les penseurs censurés par leur régime. Enfin elle a dénoncé la corruption partout où elle sévit, et en particulier dans la classe dirigeante.
Nous ne nous lamentons pas seulement sur le sort de la presse au Liban. Nous déplorons la patrie tout entière, assassinée par un régime politique confessionnel, ce régime qui travestit la volonté du peuple et pille ses ressources, qui pousse ses jeunes à l’émigration. La disparition de notre presse pionnière s’ajoute aux crimes dudit régime.
Le monde arabe est pratiquement dépourvu de journalisme digne de ce nom. Les groupes de presse en général sont acquis aux régimes en place, aux rois, aux princes, aux présidents élus avec des voix falsifiées. La presse libanaise, libre, s’en distingue. Ainsi, paradoxalement, donnait-elle du crédit au régime politique confessionnel corrompu ! Oui, la presse libanaise, par sa liberté d’expression, ne ressemble pas à la presse arabe en général. Elle demeure une valeur ajoutée dans l’histoire du journalisme arabe.
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