La joie qui a accompagné la fin du vide présidentiel s’est éteinte. Les Libanais étaient heureux d’avoir un président de la République et un chef de gouvernement, ils avaient l’impression, aussitôt après l’élection de leur nouveau Président, qu’un peu d’âme flottait à nouveau dans les hautes sphères du pouvoir, comme dans un Etat normal, fonctionnant avec des institutions au complet. Ils ont été quelque peu déçus de revenir à un paysage amer : lors des consultations parlementaires, et en marge de ces consultations, ils ont vu se rejouer les scènes classiques et ont entendu les déclarations habituelles, avec simplement un ajout qualitatif des Forces libanaises. Celles-ci se sont imposées comme un partenaire à part entière du Président dans un mandat qu’elles ont jugé de bon augure, se présentant comme la voix qui confirme sa légitimité maronite. (…) Ce nouvel indicateur montre en vérité combien le nouveau mandat entérine son lancement avec les mêmes vieilles figures, renforcées par un parti des Forces libanaises gonflé à bloc au point de vouloir sceller son partenariat avec le maître du mandat en tant qu’unique représentant des maronites, tenant pour négligeable tout le reste des maronites voire tout le reste des chrétiens. (…) Le nouveau mandat s’amorce donc avec un visage décati, il entame le « changement » par un retour en arrière et embraye ses « réformes » avec des hommes dont la corruption est notoire, qu’ils relèvent directement du gouvernement ou de toute une clientèle de nouveaux alliés. Le présent a réélu le passé, lui qui s’était rebellé contre « une partie » du régime confessionnel avant de combattre l’ambition au changement par des slogans qui, précisément, ont réveillé le sectarisme le plus dangereux, ramenant au confessionnalisme. De fait, rien n’annonce la voie du changement et de la réforme : ni la cérémonie organisée à Baabda, qui rappelle les souvenirs des deux guerres, bien qu’en civil cette fois-ci, ni l’immense drapeau libanais déployé dans l’avant-cour du palais présidentiel lors d’une seconde cérémonie passéiste, ni la précipitation des proches, parents et anciens collaborateurs, ni la « purge » des cercles du palais présidentiel de leurs « étrangers », ni, enfin, la « guerre » présente pour décrocher des postes gouvernementaux. Non, tout ne fait que restaurer les vieux usages, annihilant les espoirs de réforme et de changement…
Par ailleurs, la présidence ne ressort pas grandie lorsque, sur des questions de gouvernance, on s’enquiert des décisions à prendre auprès du Président, et que l’on s’entend répondre : « Demandez à Gebran Bassil ou attendez son retour de voyage. » Général Aoun ! Ce n’est pas ainsi qu’est dirigée une République ! D’autant que pour des raisons purement électorales, Gebran Bassil, qui brigue un poste de député du Batroun après avoir échoué par deux fois déjà, a conclu des ententes qui sapent le travail de militantisme que vous avez accumulé durant des années !
En ce qui nous concerne, nous demandons à cette classe politique corrompue et corruptrice de cesser de traire l’Etat comme une vache à lait, et d’accéder à la volonté du peuple de s’exprimer lors d’élections législatives qui ne soient régies ni par un confessionnalisme assassin ni par un communautarisme destructeur. C’est cette classe politique dont les membres viennent de sceller des réconciliations historiques, mettant fin à leurs divergences idéologiques et intellectuelles, qui permet aujourd’hui au régime confessionnel de survivre, un régime dont le fonctionnement avalise le jeu des bénéfices réciproques et l’échange de services rendus, garantissant leurs parts aux uns et aux autres… Messieurs les fromagistes, calmez-vous !
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