طلال سلمان

Guerres arabes sous les bannières de l’islam

Les liens de l’arabisme s’effondrent. Ils entraînent dans leur chute les intérêts collectifs des Arabes et leur destinée commune. Nos peuples arabes se sont mis à s’entretuer sous les bannières de l’islam. La première victime est l’identité nationale unificatrice, c’est-à-dire l’arabisme dans sa quintessence ; la seconde, le rassemblement autour de la « cause sainte » de la Palestine ; la troisième, le droit de la nation arabe de décider librement de son sort.
Tous les fanatismes (communautaire, sectaire, régional, tribal … ) sortent de leurs tanières. La tyrannie se manifeste de plus en plus ouvertement : elle est à l’origine de cet effondrement global, politique, intellectuel et social. L’islam se scinde en « religions » qui s’entretuent.
Les bannières noires se répandent partout. Où que l’on tourne la tête, on se trouve confronté aux photos de ces barbus tout droit débarqués de la période préislamique, Al-Jahiliya, qui prétendent initier les musulmans à la vraie religion. Les porteurs de bannières noires, exécuteurs d’hommes, jeunes et moins jeunes, devant les caméras internationales, démolisseurs de maisons, destructeurs de services publics et même d’hôpitaux, n’ont pas de programme. Ils n’ont ni plan ni projet de reconstruction. Ils se contentent de démolir. Ils détruisent les bases de toute structure – et jusqu’aux raisons pour lesquelles elle fut fondée.
Réaffirmons notre respect pour les musulmans des quatre coins de la planète, quels qu’ils soient ; mais enfin, il est aussi évident que les musulmans arabes ne manquent pas à ce point de foi, qu’ils aient besoin que leurs coreligionnaires de partout, Tchétchènes, Khazars, Turcs, Kurdes, Tatars, Mongols ou autres, se portent volontaires et accourent, malgré les difficultés du voyage, pour les guider dans leur foi ! Et même, en imaginant le cas où celle-ci se serait quelque peu attiédie, ce n’est certainement pas dans les exécutions collectives, ni dans la démolition des immeubles, que s’accomplit la mission de la religion…
Dans les pays du Levant que sont la Syrie et l’Irak, les dictatures ont effrité l’arabisme et usé l’humanité des peuples qu’elles ont gouvernés, les transformant en citoyens d’une société de la peur, incapables de décider de leur quotidien comme de leur avenir. Elles ont décrédibilisé les partis laïques et les gouvernements successifs dissimulés derrière leurs slogans, elles ont paralysé les mouvements nationalistes qui prônaient l’unité. Seules les organisations islamistes qui avaient disparu « sous terre » ont pu réémerger ; depuis lors, les ravages de l’extrémisme le plus excessif ne se comptent plus. Lesdites organisations ont réclamé l’instauration d’un ?tat islamique, réactivant ainsi le clivage entre sunnites et chiites, un clivage qui se manifeste de la manière la plus hideuse, aussi bien par le discours que par l’action concrète, conduisant à la division la plus totale… Mais ne nous y trompons pas, ce qui compte, bien au-delà de la religion, c’est le pouvoir, la première étant seulement instrumentalisée au profit du second. Et dès qu’un quelconque meneur se voit parvenu à ses fins, il s’adonne aux choses terrestres, abandonnant sans remords la religion… à Allah.
Les sujets de l’?tat islamique en Irak et au Levant, Daech, sont aujourd’hui les nouveaux gardiens autoproclamés de la religion telle qu’ils l’ont héritée de leurs idéologues intégristes… Sur le plan doctrinaire, ils sont les maîtres du terrain. Les accuser de salafisme ou de radicalisme n’est qu’un doux euphémisme. De fait, chaque confession musulmane accuse aujourd’hui les autres de s’éloigner de la religion, d’en dévier impardonnablement, de mal interpréter, et ce de façon délibérée, les textes religieux. Alors allons-y, sondons chacun et jugeons chacun, selon notre évaluation de sa conformité aux fondements de la religion ou de son éloignement de ces mêmes fondements. Le raisonnement est très simple : les mécréants ne méritent aucune pitié, et les égarés doivent comprendre et pratiquer notre islam tout à fait comme nous le faisons nous-mêmes, qui sommes exemplaires ; s’ils l’embrassent, fort bien, nous les acquittons, mais s’ils le rejettent, ils seront passés au fil de notre épée assoiffée du sang des hérétiques et des fourbes qui simulent la foi loin de la vraie religion !
Aujourd’hui donc, nous avons le choix entre la dictature féroce et le moukaffer (l’inquisiteur), assassin au nom de la religion… Ainsi le citoyen n’est plus maître de sa vie sur terre, il ne lui reste qu’à s’éteindre sans monde (dounia) ni religion (din).
Septembre 2014.

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